Principes narratifs
Et si vous deveniez un oiseau un court instant? Imaginaire fictionnel ou réalité scientifique,
cette web BD vous amène à être un oiseau. Vous devenez un méliphage régent (espèce d'oiseau australien). Vous allez donc suivre son histoire,
comprendre et voir son territoire comme si vous étiez lui. N'hésitez pas à passer à scroller doucement et balader votre curseur sur la page, dans son entièreté pour en comprendre
toutes les spécificités. Entrez dans cette lecture immersive qui mêle regard humain et bipède volant au-dessus de nos têtes.
Peut-on vivre en communauté avec eux? Nos réalités sont-elles en accor-
dance ou existe-t'il un fossé qui nous sépare? Cette ouvrage n'est pas une réponse définitive mais se positionne comme
une piste de recherche et de questionnement sur cette réalité qui nous échappe.
Australie, 19 juin 2021
Alors que le pays connait un été plus que caniculaire, à la lisière de la forêt australienne, une fraicheur y règne.
Elle ne se manifeste pas tant par la température mais bien plus par ce paysage sonore qui se dessine au dessus de nos têtes amènant cette brise légère et éphémère.
Ici, le chant des oiseaux colore la saison des romances. Chacun d'eux s'égosillent pour plaire et charmer leur
bien aimée, mais un parmis cet amas d'especes hésite, comme freiné par quelque chose. Sa chère et tendre est là, à quelques mètres de lui, il l'observe
mais n'a guère le courage de faire le premier pas et d'aller lui chanter, comme tous ici, ces sentiments
à son égard. Et pourtant, le temps passe et il est figé comme pour attendre le bon moment...
Elle est si belle, posée sur cette branche d'eucalyptus tendue vers le ciel, je la regarde, la contemple, et l'admire...
Mon dieux qu'elle est belle, si j'avais ma chance.
- Je te fais ma sérénade, devant toi, je suis en pamoison, face au vent tempétueux de l'hiver et des escales nomades,
pour te séduire j'ai dû attendre la saison.
- Pff. Ne reviens me voir que lorsque ton chant dessinera cette toile à l'encre invisible* si dense au dessus de mon territoire.
Pour le moment, tu n'as pas ta propre identité sonore, comment pourrais-je sortir avec un usurpateur mélodieux ? J'attendrai ton retour mais ne traine
pas car mon coeur ne peut rester délaissé une éternité.
* Habiter en oiseau de Vinciane Despret.
- Je te promet de faire vite et d'apprendre ce chant qui me distingue, qui fait de moi un méliphage régent à part entière. L'apprendre me permettra d'assurer
notre reproduction. Attend moi, je reviens d'ici quelques jours, encore meilleur chanteur que le meilleur d'entre tous.
Alors qu'il essuie un échec amoureux, notre héros décide alors de se mettre à la recherche d'un vieux sage qui pourrait lui enseigner son chant. Pour devenir meilleur chanteur,
il part donc à l'Est, à tire d'aile dans les profondeurs de la forêt australienne.
Après avoir parcouru bon nombres de kilomètres, il fini par arriver sur le territoire des vanneaux soldats et s'adresse à eux pour plus de renseignements...
- Bien à vous, oh vanneaux soldats. Pourriez-vous m'indiquer le logis du vieux sage ?
- Évidemment, il se trouve à la périphérie de deux territoires, là où le gradient de force des chants est le plus fort.
- Je vous remercie, heureusement que nous oiseaux, sommes fondamentalement sociaux sinon jamais je ne pourrai trouver.
Il reprend alors sa route, déterminé et heureux de savoir qu'il est actuellement sur la bonne route. Sa route est longue dans la forêt,
les arbres défilent plus vite que ces battements d'ailes et le voilà tout prêt d'un territoire où une polyphonie se fait entendre. Un martin pêcheur s'approche alors de lui.
- Que nous veux-tu petit méliphage ? Notre territoire chanté ne peut accueillir plus d'individus. Notre collectivité accoustique est déjà parfaitement accordée.
- Je ne venais pas pour ça, je souhaite connaître l'emplacement du vieux sage. Même si je dois bien saluer la beauté de ces coeurs territoriaux que sont les votres.
- Merci à toi. Dans ce cas je te conseille de te diriger encore un peu vers l'Est, tu y trouveras un chêne soyeux de plus de 3000 ans, tu ne peux guères le rater.
- Merci à vous.
- Ne dis rien petit méliphage aphone, tu t'es donné à fond pour donner à ton chant une forme. Mes dires effacent les sons falsifiés pour laisser place à la fiabilité de ton chant fédérateur. Maintenant fend vers ta bien aimée, car les mauvais présages foudroient ma conscience et la tristesse se flaire au-travers des méandres de l'air.
Alors qu'il est en train de revenir chez lui, afin de conquérir sa dulcinée au moyen de sa nouvelle acquisition. Il prend large au dernier virage du couloir aérien et assiste de ses propres yeux à cet enfer. La forêt, son habitat, prenait feu. Alors il se mit à chercher sa demoiselle, quand un vautour s'approcha de lui...
- Tu arrives trop tard. Tu es de la même espèce que cette femelle qui a tout tenté pour échapper à cette fournaise. Ses battements d'ailes attisaient les flammes, le tourbillon commencait à l'entourait, une valse ou son âme givrée par la peur ne faisait qu'un avec ce corps ardent. Le spectacle était d'une beauté, le reflet dans mon iris ou ses plaintes se transposaient au sillons de lumières de son plumage qui carbonisait. Tu peux m'en tenir responsable petit oiseau, de ne pas être allé la sauver, mais toi, humain qui lit en ses yeux, ce sont tes actes de déforestation qui lui ont coûté la vie. Je ne suis pas la pour te donner la morale, mais quand ma mort chantera et m'attrapera tu n'entendra plus notre chorale. "